Avec la sortie de leur second album Vertiges, les Montréalais de Gaspard nous emmènent dans un univers où les bâtiments flottent dans l’air et où les montagnes nous parlent. Tel le vieux sage habitant dans la maison perchée sur la plus haute colline du village, le groupe est capable, dans sa musique instrumentale, de raconter les plus belles histoires sans prononcer un mot. Après nous avoir introduit à son univers fabuleux et tortueux dans son premier album La Forêt de Gaspard, Vertiges nous envoie cette fois en orbite avec un post-rock onirique à la découverte de la cité flottante d’Héliopolis. Entre deux escapades, le groupe a trouvé le temps de répondre à nos questions, l’occasion de plonger la tête la première dans leur monde.
Vertiges sort en format cassette sur A la dérive Records, tout nouveau label lancé par la dream team de FeV.

Interview
FEV : Salut ! Tout d’abord, qui est Gaspard ? On ne voit pas ce prénom dans la liste des membres du groupe.
Gaspard : Excellente question ! C’est un sujet qui suscite des débats dans le groupe. Il y en a qui disent que c’est le nom d’une toge, mais il y en a d’autres qui disent que Gaspard serait en fait un vieux sage ermite qui a passé sa vie dans sa forêt, et qui nous a raconté son histoire lorsqu’on est tombé sur sa cabane en nous promenant il y a maintenant trois ans de cela.
FEV : Vous pouvez nous parler de l’histoire du groupe ? Qui fait quoi, comment vous vous êtes rencontrés ?
Gaspard : On s’est rencontré à l’école et on a commencé à jouer ensemble pour un spectacle de finissants, dans lequel on a fait notre première composition (qui finalement ne s’est jamais retrouvé sur nos albums, et c’est une excellente chose). Ensuite, puisqu’on avait vraiment eu la piqûre, on a continué à faire du bruit dans les sous-sols de nos parents jusqu’à ce qu’on ait un album et qu’on décide de l’enregistrer, et puis nous voilà aujourd’hui avec un deuxième!
FEV : Vous pouvez justement nous parler un peu de votre nouvelle sortie, Vertiges ?
Gaspard : Vertiges, c’est encore, comme notre premier album, une exploration musicale dans un pays lointain, mais cette fois-ci elle se passe dans la cité d’Héliopolis, perdue dans les nuages. Personne ne sait vraiment comment cette ville entière, avec ses tours massives et ses bâtiments en pierre pouvait flotter aussi aisément dans le ciel, et c’est un peu ce mystère qu’on tente d’élucider à travers l’album. La lumière éblouissante du soleil et la beauté des nuages se traduit musicalement à travers l’influence post-rock et le côté atmosphérique, alors que la pierre et l’aspect massif des châteaux d’Héliopolis sont représentés par la lourde distorsion et les tempos plus lents du stoner et du doom metal. L’album est construit du début à la fin comme une aventure qui se veut la plus cinématique possible.
FEV : Vous êtes donc des explorateurs ! Quel sera le prochain univers exploré par Gaspard ?
Gaspard : En fait, on n’est pas tout à fait les explorateurs, on est plutôt les interprètes qui racontent les aventures des explorateurs que l’on rencontre et qui viennent nous parler. Beaucoup de ces explorateurs ne parlent pas français, ni même une langue, alors en traduisant leurs expériences dans notre musique on leur permet en quelque sorte d’entrer en contact avec les gens. Et on vous le dit en exclusivité, depuis que Vertiges est terminé on a déjà fait des rencontres passionnantes, notamment avec un vampire confus et dansant qui vit dans une cathédrale. À suivre…
FEV : Il paraît que dans les forêts de Gaspard se terrent des Mauves et des Spectres (et même des harpes à pattes de bouc, si l’on en croit l’artwork de l’album). Quelles sont ces créatures ?
Gaspard : Les Mauves sont des sortes de gnomes qui n’ont pas de cou et qui sont, eh bien, mauves. En toute honnêteté, on ne sait vraiment pas grand-chose sur eux. Comment ils survivent, comment ils vivent en société, quel est leur but, ont-ils un langage… tout cela est un mystère complet. Ce qu’on sait, c’est qu’ils sont extrêmement nombreux, très naïfs, très joyeux, et que pour une raison quelconque, depuis qu’on les a croisés dans la forêt ils ne cessent de nous suivre partout, ce qui est un peu troublant et qui commence même à être un peu énervant. Les spectres, ce sont des fantômes de la forêt qui prennent possession des arbres et des animaux la nuit pour terroriser les voyageurs qui dorment et les faire fuir. Prenez garde : ils sont extrêmement dangereux. Il paraît même que leurs chatouillements peuvent causer la mort.
FEV : Alors c’est bien beau tout ça, mais peut-on y trouver au moins quelques dahus ?

Gaspard : Jusqu’à maintenant, les données que nous avons recueillies sont insuffisantes pour se prononcer sur la question de leur existence
FEV : Y a-t-il aussi quelques lutins et korrigans ? Sont-ils plutôt maléfiques ou mignons, et se déguisent-ils en chat blanc ?

Gaspard : Cela semble correct. Ce n’est pas une certitude, mais on a entendu des rumeurs comme quoi ils sont en effet mignons, mais particulièrement rusés, alors il faut rester sur ses gardes en leur présence. Et oui, ils se déguisent certainement en chat blanc, il faudrait être fou pour adopter chez soi un chat blanc sans vérifier au préalable qu’il ne s’agit pas d’un lutin essayant de s’infiltrer chez les humains pour faire de l’espionnage industriel et subtiliser nos secrets technologiques les mieux gardés comme le grille-pain ou l’aiguise-crayon électrique.
FEV : D’ailleurs, La Forêt de Gaspard est composé de “chapitres “( 1,2,3…). Pourquoi ? Vous voulez nous raconter une histoire ?
Gaspard : Tout à fait. Les trois chansons qui terminent l’album racontent ce moment marquant où nous nous sommes perdus dans la forêt, avons rencontré les Mauves et interagit longuement avec eux, avons passé une nuit entière à fuir les spectres et avons finalement retrouvé notre chemin après que les arbres aient bougé leurs branches pour nous permettre de voir les étoiles.
FEV : Quel est le processus de composition de Gaspard ?
Gaspard : En gros, on récolte de l’information sur toutes sortes de lieux, à travers les témoignages d’explorateurs dont on parlait plus haut, et puis à chaque album on choisit un de ces lieux qui sera la base conceptuelle de l’album. On essaie de communiquer musicalement l’atmosphère de ces lieux magiques, peu importe dans quelle direction ça nous amène.
FEV : Et pour le recording, ça se passe comment ?
Gaspard : On enregistre nous-même, dans notre local en campagne chez les parents du batteur (Olivier) à Saint-Antoine-sur-Richelieu. Avant d’enregistrer La forêt de Gaspard, on a s’est acheté ensemble une interface audio et assez de micros pour enregistrer tout le monde, et puis en cherchant sur internet et avec l’expérience, on a fini par être plutôt à l’aise en home recording. Pour Vertiges, on a eu énormément d’aide de Marc-André Dugas, un ami technicien en audio-visuel qu’on a rencontré à un de nos spectacles et qui nous a permis de faire ça de façon vraiment plus professionnelle ! Merci Marc-André on t’aime.
FEV : C’est quoi les influences de Gaspard, autant musicalement que artistiquement (films, bouquins…..) ?
Gaspard : La grande question ! Il y en a énormément, alors voici quelques-unes des influences musicales: Godspeed You! Black Emperor, Neurosis, Sleep, Queens of the Stone Age, Deafheaven, Mogwai, Opeth, Deathspell Omega, Baroness, Swans, Sunn o))), Radiohead, Slowdive. Le Prog des années 70 (King Crimson, Pink Floyd, Yes, Genesis, Gentle Giant, etc.) et la soundtrack de Zelda Ocarina of Time, évidemment.
Pour les films : Le labyrinthe de Pan, ou les films du studio Ghibli.
Et finalement niveau lecture : Le Silmarillion (ou le seigneur des anneaux en général).
FEV : Des recommandations de groupes québécois sympa à écouter ?
Gaspard : Nüshu, Bisbâyé, Big Brave, Corridor, Fuudge, Dutchess Says, Fly Pan Am, Yoo Doo Right, et bien d’autres.
FEV : C’est pas trop compliqué d’écrire un album musicalement exigent en pleine pandémie ?
Gaspard : Heureusement, on avait déjà fini de composer l’album lorsque le premier confinement a commencé, donc ça n’a pas affecté la composition. Par contre ça nous a forcé à repousser plusieurs fois l’enregistrement et à sortir l’album beaucoup plus tard qu’on pensait, mais l’important c’est qu’on a finalement réussi à le sortir! En ce moment, on compose déjà le prochain album à distance, et c’est sûr que c’est un défi de se motiver et de trouver l’inspiration, mais en même temps ça nous amène à utiliser des méthodes de compositions différentes et c’est enrichissant.
FEV : On imagine que c’est pas le rock tortueux qui met de la nourriture dans la gamelle. Que font les membres de Gaspard en dehors de ce groupe ?
Gaspard : On est encore tous des jeunes étudiants de 20 ans qui vivent chez leurs parents, on a des petites jobs par-ci par-là pour se faire des économies qu’on dépense allégrement dans le groupe. Romain étudie en communications humaines à l’UQAM, William étudie en lutherie, Charles étudie en ingénierie aérospatiale et Olivier en philosophie.
FEV : Quel est le morceau préféré de Pako le chat, crédité sur votre album ?
Gaspard : Requiem de Györgi Ligeti. C’est un intellectuel voyez-vous.
FEV : Finalement, la traditionnelle question : êtes vous forts et virils ?
Gaspard : Non. Nous sommes faibles et nous avons besoin d’amour.