Parfois, ça fait du bien de sortir des cercles assez fermés des labels ou assos de rock qui règnent sur l’underground parisien. Le 22 et 23 novembre, c’est ce que nous a permis le Lofish Records Festival, qui s’est installé en banlieue, au Chinois à Montreuil. Nouvelle ambiance, nouvelles personnes, nouveaux sourires… et surtout foule de musiques pleines de fraîcheur, de DIY et de liberté. Grâce à des concerts de 21h à 2h du mat’ suivis de DJ-sets, le festival nous a fait sortir la tête de l’eau, à nous, poissons amateurs de lofi. Et c’était une véritable bouffée d’oxygène.

Mais qu’est-ce au juste que Lofish Records ?

C’est un jeune label indépendant (qui fêtait ce soir-là ses deux ans) amateur de rock, de garage, comme de post-punk ou d’electro… Et si ils sont actuellement basés à Paris, ils viennent en réalité de Nice (d’où leur potentiel de renouveau ?) ! Personnellement, on les a découvert en 2017, au cours d’une de leurs soirées qu’ils organisaient au Supersonic. Et déjà, avec Contre-soirée qui jouait de la coldwave/techno, c’était prometteur. Il y a eu ensuite la découverte de Moïse Turizer, via cette vidéo :

Moïse Turizer (Projection et vidéo : Emmanuelle Nègre, Paul Pinceloup)

Progressivement, Lofish s’agrandit, et multiplie les projets d’envergures. Cette année, ils sont à l’origine de la très belle chaîne YouTube Les Capsules, qui filme des « live sessions intimistes » de groupes sur le modèle de la radio KEXP : avec une image léchée, dynamique, un son de qualité, et une ambiance vraiment réussie. La plupart des groupes de Lofish ont eu droit à leur petite vidéo (on vous en passe quelques unes dans quelques instants !) mais pas qu’eux ! La participation est ouverte à tous.

Désormais, nos poissons-basse-définition sont à l’origine de festivals sur Paris. Avec tant du shoegaze, du rock psyché, du garage, que de la techno ou du post-punk post-soviétique ‘Born Bad-style’. On fait le point sur ce qui, selon nous, a fait les moments forts du festival.

Pam risourié – bedroomgaze // Paris

21h, pas de retard possible ! On voulait voir le tout premier concert de pam risourié, dont on avait chroniqué le premier EP. Apparemment le groupe est déjà lancé sur autre chose : après une intro explosive qui balance toutes les ref’ shoegaze, dream pop, et noise qu’on avait appréciées, pam risourié présente ensuite surtout des inédits de son prochain EP. Des morceaux pop, aux compos souvent étonnantes et réussies. Pas d’ « Another Sun » , donc (dommage !), mais avec, heureusement, le très bon « I Only Dream Of You Once A Week » en outro. Malgré quelques légères hésitations (premier live oblige), on sent une alchimie très prometteuse entre les cinq membres du groupe.

En concert le 28 décembre au Supersonic !

Dexter Mojo – bedroom pop psyché // Nice

Après lui, voici venir les psych-boys les plus clean de Nice. J’ai nommé Dexter Mojo. Hyper planant, le groupe diffuse des nuages de pop, entre Tame Impala et MGMT (en largement plus drogué). Avec Chichirama le dernier soir, ils consacrent les options psyché du label.

On en profite alors pour aller voir un autre projet non pas moins psychédélique : le stand de La crème Fraîche Magazine, qui collabore souvent avec Lofish Records. Le concept des fanzines ? Tu offres une bière, et ils te donnent un fanzine entièrement pensé par un artiste indé émergent, variant à chaque magazine. La crème de la crème fraîche.

cf 8

Murman Tsuladze – electropunk // France, Géorgie, Belgique, URSS…

Le groupe qui continue oeuvre selon ses mots dans l’art du « Bledaard Groove » et son leader vient d’un « pays qui n’existe plus » . On vous laisse deviner lequel. Murman Tsuladze joue un electro-rock psyché avec des pointes de kraut, de reggae, et … d’un peu tout en fait. Un rendu qui nous fait penser tantôt aux folies d’Altin Gün, tantôt aux excentricités punk de Group Doueh & Cheveu.

Gliese & Kepler – dreamgaze // Paris

C’est peut-être l’un des moments que l’on a le plus apprécié du festival. En ouverture du deuxième et dernier soir : les quatre musiciens de Gliese & Kepler délivrent une dream pop à la fois tendue et évasive, qui sonne comme un voyage interstellaire. Entre cette batterie métronomique jouée avec un effet un delay pour un maximum de tension, ces échappées de lignes de basses assez folles, et ces choeurs dream pop éthérés, c’est sûr, vous comprendrez enfin ce « qu’exoplanète » veut dire. Ou en tout cas vous vivrez à peu près l’expérience du héros à la fin de 2001 : L’Odyssée de l’espace. Une musique qui nous évoque un Motorama qui aurait plus de joie de vivre.

Décidément, la scène pop qu’ils dessinent entre potes avec pam risourié qui a joué le premier soir, mais encore Magon ou Terry and the bums, a l’air de terriblement valoir le détour.

Shaky Things – garage/rock n’ roll // Nice

« Tu vois, là ce soir, tu vas voir le meilleur guitariste et le meilleur batteur de Nice » nous confie un membre de Dexter Mojo. Bon OK, il a rajouté ensuite « c’est mes potes niçois » , mais bon ! On constate très vite que c’est fort possible… Shaky Things, c’est peut-être LE seul groupe qui devrait avoir le droit de faire du garage sauce rock n’roll. Avec une grille blues et tout le tralala. Car eux, ils le font non seulement bien, très bien, mais aussi avec esprit authentique – celui qui devait caractériser le genre à l’époque, et qui fait que non, on est pas en présence d’un énième groupe qui fait de la musique pour « papas qui sait ce que c’est la vraie musique ». Avec des solos blues déjantés, une batterie 50’s et un synthé de film d’horreur pop, ça marche : dans la veine de Fuzz, King Gizzard, The Animals, voire même John Lee Hooker, leurs ‘shaky stuffs’ font se trémousser les popotins de garçons et filles devant la scène, comme s’ils écoutaient PNL. Et c’est juste génial.

Bon anniversaire Lofish !

On se quitte-là (le fameux dernier métro) malheureusement sans avoir vu les papas du label, Alpes et Moïse Turizer. Ce sera pour une prochaine fois ! Pour Alpes, peut-être le 17 décembre d’ailleurs. Un très bon deuxième anniversaire, donc, de la part de Lofish Records. Définitivement, le jeune label a démontré qu’il avait la capacité de galvaniser une scène intéressante, variée, et surtout porteuse de véritables projets musicaux en tout genre. Et donc, qu’il valait tout autant que les autres labels bien installés, voire même qu’il pouvait les renouveler : souffler un véritable vent de fraîcheur sur le rock indé de la capitale.