For fans of : Alber Jupiter, Folakzoid, Motorama, Lumerians, Neu!

N’étant pas familier avec Baston j’étais convaincu après avoir jeté un rapide coup d’œil à leur soundcloud que le groupe s’appelait « Baston Primaire ». Je me réjouissais à l’avance, j’allais avoir la chance de chroniquer un autre groupe de guedin bien énervé. Mais non, en réalité, le groupe s’appelle simplement « Baston », et a publié le 29 novembre 2019 son premier album du nom de Primates sur le sympathique label parisien Howlin’ Banana Records. Heureusement, derrière ce nom qui leur a valu les pires jeux de mots de la part de la presse spécialisée ainsi que des interviews désolantes, se cache un groupe qui calme tranquillement le game du rock psyché français – et qui au côté de Alber Jupiter impose la Bretagne comme forteresse du psychédélisme français.

Ce n’est pas au vieux singe que l’on apprend à faire des grimaces

Certes on adore les groupes du type « Bagarre » etc, toute cette mode des groupes aux noms bien vénères qui font kiffer les journalistes de Vice. Baston, avec un nom semblable, œuvre néanmoins dans un genre bien distinct. Un habile mélange de krautrock, de pop et de post-punk qu’ils distillent depuis leur formation à Brest en 2012 et leur premier EP, здесь Есть Пуритане (« Voici Purit » dans la langue de Google Translate), dont le téléchargement est disponible pour la modique de somme de 1000 dollars US sur Bandcamp. En 2015 les trois farfadets avaient sorti « Gesture » un second EP de haute volée qui avait rappelé que l’on pouvait faire du psychédélisme pop sans sonner comme Conan Mockasin. Quatre ans plus tard, Baston nous propose Primates, un album de « Motorik Pop » (selon leurs mots – sûrement en hommage au beat de Hallogallo de Neu!) des plus surprenants, sublimé par une production aux petits oignons.

A l’ère de l’urgence il est rare d’écouter un album en entier, mais je vous en supplie posez vous et écoutez-le du début à la fin. Allez on se cale au fond de son siège on s’allume un pète (oui, c’est légal au canada)… puis on devient tout pale et transpirant car on ne supporte pas ça (fragile). C’est parti pour Primates.

Nostalgie soviétique

L’album ouvre sur « DrangNachOsten » petite pépite psychédélique qui après une intro dopée au synthé laisse entrevoir ce superbe motorik beat dont on parlait et un son de basse sous marine à faire pâlir Flipper le dauphin. Progressivement des layers de guitares et de synthés se dévoilent, la voix vient poser son petit grain de sel, on est totalement absorbé, c’est le trip parfait pour commencer l’album.

Le second morceau « Primates » est supporté par un clip fantastique, sorte de montage des meilleurs moments de la conquête spatiale soviétique. On reste dans le même registre : batterie martiale à souhait, ajouts sporadiques des pistes de guitares, son de basse du turfu… La composition réserve même des surprises avec ses envolées improbables. On se met à penser à Laïka et on verse sa petite larme nostalgique.

La suite de la galette se veut un peu plus pop/post-punk que psychédélique. Les mélodies de « Transept » et « Arnhem » nous évoquent les meilleurs moments de Galaxie 500. Pendant que « Pyrolyse » (dont le nom est une belle référence aux première minutes du meilleur épisode de « Faites entrer l’accusé « ) et « K2 » nous envoutent par un véritable arsenal d’effets. L’album atteint sa vitesse de croisière et on commence à avoir l’impression qu’on a fait le tour de l’objet. Alors on baisse sa garde et on kiffe pépouz en contemplant le plafond… Énorme erreur car rien ne nous préparait à recevoir « Viande » , qui nous rentre dedans avec la délicatesse d’une éléphante en chaleur. « Viande » inclut un montage qui met à l’honneur ce diable de Christophe Hondelatte, dans le rôle qu’on lui préfère, celui de conteur : sa douce voix nous décrit avec la justesse et la poésie qu’on lui connaît un des nombreux meurtres qui ont fait le succès de son émission, « Faites entrer l’accusé« . Alors que ce cher Christophe a certes été déprogrammé de l’émission (RIP in peace le meilleur présentateur de la TNT) Baston fait entrer Hondelatte dans leur album : merci pour tout. Avec « Viande » Baston atteint clairement son climax et nous laisse K.O, sans voix, en pleine descente d’acide. Les morceaux « Domovoi » et « Athabascan » sont plus posés et nous permettent de récupérer après le choc « Viande » en nous replongeant tout joyeux dans le délire psyché-kraut-punk. Le voyage se termine peinard sur « Achille« , lent atterrissage spatial.

On ressort à la fois apaisé et groggy de Primates. Cet album est un must pour les fans de psychédélisme un tant soit peu original, et pour les amateurs de faits divers (que nous sommes). Les lutins de Baston accouchent de compositions mélodiques soutenues par un son de basse monstrueux, une voix façon Motorama et une batterie martiale qui rappelle le post-punk de papa. Le mélange entre envolées psychédéliques et discipline rythmique sauce Swans est parfaitement équilibré. Malgré certaines répétitions (c’est aussi l’idée derrière le krautrock) Primates reste capable surprendre.

Si le groupe s’éloigne de ses racines pop (ils se rapprochent plus de Folakzoid que de Deerhunter) ils laissent néanmoins la distorsion au second plan, leur évitant ainsi d’être ce « groupe de stoner sympa mais sans personnalité » qui gangrène les festivals. Prenez le temps de savourer ce voyage car la musique de Baston met complètement en orbite, si bien que l’atterrissage est difficile, les jambes flagellent et on peine à rester debout. A quand le deuxième album les gars ?