Sorti le 26 avril 2019 sur le label du collectif bordelais Flippin’ Freaks (connu aussi pour TH Da Freak et SIZ) Scramble est le second album de Wet DyeDream, un opus plus audacieux et abstrait que le noisy et sympathique Inside, premier long-format du Bordelais en collaboration avec Opinion.

Pas aussi connu que TH, pas aussi mignon qu’edgar déception, moins chevelu que SIZ, c’est dans une certaine confidentialité qu’Alexis Deux-Seize (Wet DyeDream) opère. Pourtant le Bordelais fait partie des besogneux du collectif (Flippin’ freaks), fort de déjà 4 EP saveur chambre humide et garage boosté à la reverb. Un stakhanovisme propre à une scène française ultra prolifique qui rappelle plus les grands jours de l’union soviétique que les « branleurs » californiens.

Comme un avertissement, Alexis nous prévient que Scramble « rassemble quelques morceaux du passé et des chansons plus progressistes écrites lors de l’enregistrement. D’une certaine manière, l’album a été construit comme un puzzle et mis en place comme une métaphore introspective sur l’identité de soi ». Rarement une description Bandcamp aura aussi bien introduit le contenu musical qu’il définit, Scramble est un véritable puzzle : comme ce-dernier, il intrigue, fait mal à la tête et confère un véritable sentiment d’accomplissement dès qu’on le termine.

On s’attendait à un album de pop garage simple et efficace, mais peu inspiré au niveau des compositions… que nenni ! Scramble s’éloigne intelligemment de ces clichés. Si l’aspect pop lo-fi sous verni onaniste persiste, Scramble se révèle complexe voire tortueux. Il est difficile d’extraire un titre en particulier, tant les morceaux changent régulièrement d’ambiance, pour un résultat aussi cohérent qu’une victoire de Steve Albini au poker.

Scramble s’ouvre sur « Alcohol », un morceau au chorus hyper catchy et joyeux. S’en suit le psychédélique et élaboré « Belly of a Dream ». Puis à mesure que les morceaux s’enchainent le puzzle se dessine progressivement, les compositions oscillent entre folk naïf et psychédélisme lo-fi, le tout accompagné par des voix masculines et féminines lancinantes et mélancoliques. La production reste minimaliste mais tout de même soignée pour un résultat dépouillé et organique. Plus l’album avance, plus la crise identitaire s’affirme, les morceaux sont surprenants (« Soft Boy »), tristes (« Get me away »), carrément bizarres (« Puzzle »). L’opus se clôt sur l’inquiétant « Lavender Baby » qui nous met un petit coup du lapin en balançant une outro shoegaze cradingue sans prévenir.

Scramble est un album qui brouille/scramble (désolé trop facile) les pistes et qui sous une apparente candeur se révèle sombre et expérimental. Alexis propose un record twee limite progressif très cohérent. Si l’album ne plaira peut-être pas aux aficionados de la bedroom pop sous reverb, il ravira les indies boiz’ en quête de quelque chose de plus innovant.

Pour un album sur une crise identitaire, Scramble impose sa personnalité unique dans une niche tombée depuis trop longtemps dans la facilité. Car oui, il devient difficile de s’enthousiasmer sur le millième album de garage parisien enregistré dans les toilettes avec du PQ comme percussion (on aime l’initiative, mais soyons francs personne ne l’a vraiment écouté). Alexis et ses œufs brouillés ont le mérite d’échapper à cette constante dans le milieu garage français : comme dirait le cinéaste Vegedream « Scramble casse la démarche » pour proposer le premier puzzle garage qu’il est agréable de faire deux fois !