Quand on a fait l’interview, Worhs n’avait sorti que trois albums. On ne s’attendait pas à ce que sortent en quelques mois seulement pas moins de deux nouveaux albums : alors que le duo n’avait rien publié depuis Ballerine Sourde en 2018, Plus dure sera la chute est arrivé en février, et Parmi les bannis la confiance règne en août, nous surprenant plus à chaque fois.
Fin 2019, Worhs a été la cible de sérieuses menaces, qui l’ont contraint à annuler plusieurs lives, et à mettre en pause le projet. La cause ? Faire de la musique aux textes queer, dans une scène métal trop sclérosée. On est donc ravis de voir le groupe à nouveau décidément actif, bien déterminé à nous partager sa bonne musique, radicale et sensible. Rencontre avec Willow et Nijmaa dans leur home studio, où l’on a discuté de leur discographie, des concerts annulés, mais aussi de mal-être et des origines du black metal.
Interview originellement prévue pour un format papier abandonné à cause du confinement et de l’arrêt des concerts.
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FEV : Quelle est l’histoire de Worhs ?
Willow : Worhs a commencé en 2010. J’ai d’abord sorti Le Temps des Blasphèmes en 2014, puis Partir / Détruire en 2016. Ensuite, j’ai rencontré Nijmaa, musicien de session, qui a assuré la batterie sur Ballerine Sourde en 2018. Et cette année, on sort notre quatrième album, Plus dure sera la chute.
Nijmaa : Pour ma part, je suis plutôt un batteur de rock à l’origine (je joue aussi notamment dans le groupe de rock psyché Wild Child Charlie). Alors, quand j’ai intégré le groupe, j’ai prévenu Willow que je faisais pas du tout de double pédale, ce genre de choses… mais ça ne lui a posé aucun problème ! Dans Worhs, on ne cherche pas à se coller d’étiquettes.
ALBUM – Le temps des blasphèmes (2014)
Willow : Je l’ai réalisé en collaboration avec Emir Toğrul, un artiste turc qui a beaucoup compté pour moi. Même si les compo sont intéressantes, c’est un album qui ne vaut rien sur le plan sonore mais qui reste très important à mes yeux.
Ce qui nous a frappé en écoutant Worhs, c’est un aspect assez “littéraire” dans les paroles. L’écriture a une place importante dans vos morceaux ?
Willow : En fait, c’est un peu paradoxal ! D’un côté, elle est extrêmement importante. Mais, en même temps, je m’en fous un peu. Sur le moment, quand je compose, je néglige l’importance du texte, mais quand je m’y mets je m’investis vraiment. Et là je vis des émotions intenses.
Tu procèdes comment pour l’écriture ?
Willow : J’écris le texte par rapport au morceau. Ou alors, sur le moment, j’ai un texte déjà écrit qui me revient. Sauf pour “Qui es-tu Antigone ?”, sur Ballerine Sourde, le seul morceau dans Worhs dont la musique a été composée spécialement pour le texte !
Pas d’influences littéraires spécifiques ?
Willow : En général, j’aime bien incorporer des petites références dans mes textes – comme celle-ci, à Antigone. C’est une sorte d’hommage pour moi. Même si, aujourd’hui, je ne lis plus énormément.
On a au moins reconnu une influence… tu as calé du Fauve sur « A l’Est la Nécrose » !…
Willow : C’est pas ma plus grande fierté, il y avait des meilleures choses à citer, t’es pas cool ! (rires).
Et pourquoi chanter en français alors ?
Willow : J’écoute beaucoup de musique chantée en français. J’ai des influences r’n’b, rap, ou des groupes comme Indochine ou Partenaire Particulier. Et le black metal est très souvent chanté dans sa langue maternelle, comme chez Amesoeurs, Alcest, ou encore avec Gris et surtout Forteresse au Québec.
ALBUM : Partir / Détruire (2016)
Willow : Un album très sombre, que j’ai du mal à écouter parce qu’il me rappelle des émotions qui me transcendent encore. Il a ce côté très brut, qui cependant lui rend hommage.
Nijmaa : On va bientôt en sortir une version acoustique.
Pour aborder plus directement le contenu des paroles, j’ai l’impression que vous ne faites pas de séparation entre malheur et bonheur, qu’ils sont vachement connectés dans Worhs, ainsi que la vie et la mort…
Willow : Le bonheur et le malheur, je ne les sépare pas non. Parce qu’eux-mêmes s’entremêlent souvent dans la vie. Dans Partir / détruire, il y a une thématique qui est souvent abordée, celle de la drogue. J’en ai beaucoup abusé à cette époque-là. Le paradoxe avec la drogue est ultra flagrant : tu passes un bête de moment, mais en vrai t’es en train d’infliger une souffrance physique horrible à ton corps, t‘es pas maître de toi-même, et surtout tu le payes le lendemain, où tu ressembles à un zombie ! C’est un bon exemple où le bonheur n’est pas séparé du malheur. C’est l’euphorie et la merde en même temps.
Nijmaa : C’est aussi ce qui m’inspire, dans Worhs. Je ressens peu de fois une seule émotion dans les textes. Il y a un côté « bulle déconnectée du temps », de la vie, de la mort…
Willow : Après le seul sentiment qui soit un peu le tronc commun dans tous mes textes, c’est pas forcément très original… mais c’est la mélancolie. Je suis quelqu’un d’extrêmement mélancolique. C’est ce qui fait que je me retrouve souvent dans des états de merde. J’ai toujours tendance à idéaliser le passé, à ressasser beaucoup de choses inutiles. Et c’est très ancré dans mes textes. Quand j’écris, je le couche tel que ça me vient. La mélancolie, c’est pas tout à fait la vie, c’est pas la mort non plus. C’est un truc qui sert à rien, mais qui est là, ancré en toi…
Qu’est-ce qu’il y a d’autres comme émotions dans ce que vous faites dernièrement ?
Willow : Beaucoup de colère.
Nijmaa : Ouais. On se casse le cou devant nos micros !
Willow : Pour plein de raisons récemment, j’ai emmagasiné plein de colère. Notre musique est beaucoup plus violente qu’avant (vraiment beaucoup plus violente) et les textes sont parfois plus frontaux.
ALBUM – Ballerine sourde (2018)
Willow : Premier album avec Nijmaa et premier album avec un son décent (rires). Ça a été un tournant pour Worhs ! On l’a composé dans le même état d’esprit que le deuxième, mais avec plus de technique et de rigueur.
On vous a découvert à l’occasion du concert annulé au Klub. Personnellement, j’étais super content d’aller vous voir, je me disais “du « queer black metal », ça a l’air trop bien !”…
Willow : En vrai, vous n’avez pas raté grand-chose. On était parti sur un live à deux…
Nijmaa : En réalité, il nous faudrait un bassiste, un batteur, 4 chanteurs, 6 guitaristes… Mais on voulait vraiment assurer le concert, même dans ces conditions-là.
L’annulation, c’était un soulagement ou une déception ?
Willow : Depuis qu’on se connaît avec Nijmaa, je crois que ça a été le seul moment où on a eu un petit bout de discorde. On a vécu l’histoire extrêmement différemment. Déjà, il y a eu énormément de remises en question. Worhs a toujours été quelque chose de confidentiel dont tout le monde se foutait un peu – et ça m’allait très bien. Mais là, d’un seul coup, des milliers de personnes sont arrivées et ont commencé à remettre en cause la raison pour laquelle je fais de la musique, et, de manière générale, ma vie, ma légitimité. En fait, je suis devenu folle, littéralement. Quand le premier concert a été annulé, ça a été un soulagement.
Il y avait combien de concerts de prévus ?
Willow : Quatre. Le premier a été annulé parce que le groupe Goat Semen ne voulait pas jouer avec des homos…
Nijmaa : Alors que j’ai un t-shirt d’eux ! (rires)
Willow : C’était dangereux, on devait jouer sous protection, avec les keufs… forcément, ça nous intéressait pas des masses. Après les annulations, des dates ont été reprévues. On devait faire Paris, Nantes et Caen, avec des sas de sécurité pour que le public puisse venir nous voir. A Paris, même s’ils ont fait ce qu’ils pouvaient, les organisateurs ne voulaient même pas empêcher l’entrée aux gens qui voulaient nous tuer… comme quoi ils voulaient « ouvrir le dialogue » ! Et après, il y avait Nantes, où je savais qu’on serait en sécurité – les skins de Nantes allaient s’en assurer. Bref. Au final, j’ai demandé à annuler les dates. J’étais hospitalisée, j’en pouvais plus. Mais pour le coup, Nijmaa était chaud bouillant !
Nijmaa : Moi… j’avais un peu plus de recul. Petit résumé : nous on veut sortir notre album. On nous propose un concert. On dit oui. On assure le concert. Et finalement, des gens ne sont pas contents parce qu’ils disent que ce qu’on fait c’est pas bien. Ils ont mal à leur black metal… Moi, je pars du principe que lorsque t’as posé une question qui dérange, c’est que t’as posé la bonne question. Si on a fait ça et qu’ils ne sont pas contents, raison de plus pour qu’on fasse des concerts, tu vois ? Aujourd’hui, qui va m’empêcher de jouer la musique que je veux ? Alors moi, ce que j’ai proposé à Willow, c’est que je trouve un gratteux que je connais pour les faire tout seul, les concerts. Comme ça c’est moi qui prends les risques, sur scène, en robe, endimanché en femme et tout ce que tu veux, et comme ça on continue. Mais bon, normal, quand tu proposes ça à un artiste… ça le fait chier. Mais moi j’avais plus l’esprit : « là il y a 30 personnes qui veulent venir nous tuer parce qu’on joue une musique qu’ils aiment mais qu’on ne joue pas à leur manière : vas-y j’y vais ! Ils en veulent à ta peau, je comprends, mais moi j’y vais. Si il faut le faire, je le fais. ». C’est là-dessus qu’on n’est pas tombé d’accord. J’avais l’esprit guerrier que Willow n’avait plus à ce moment là parce qu’elle avait vécu les choses autrement.
Willow : Les attaques étaient presque exclusivement ciblées sur moi.
Nijmaa : Pourtant c’est moi qui suis en robe sur la pochette d’album !… Finalement, on a préféré annuler les concerts. Et ça nous a donné une nouvelle dynamique pour pouvoir sortir le prochain album.
Willow : Ce temps m’était nécessaire pour pouvoir me réapproprier mon espace, ma musique. Au-delà de ma reconstruction personnelle, il y avait la reconstruction musicale. J’étais malade à un point qu’écouter du black metal me faisait mal – n’importe quel groupe. Il m’a fallu un peu de temps pour que je réouvre mes projets toute seule, que je recomprenne pourquoi je suis là, pourquoi je fais ça… Parce que c’est ça qui était remis en cause. Il m’a fallu un peu de temps, mais finalement, ça l’a fait !
Vous aviez déjà eu des problèmes du genre ?
Willow : Ouais. Je fréquente la scène métal depuis longtemps. J’étais journaliste notamment à RVVS et Horns Up, et déjà à l’époque, j’étais affiché comme le mec chelou, efféminé… Après, Worhs a commencé, et dès le deuxième album certaines photos promos ont commencé à les intriguer. Et au troisième LP, des types nous avaient dit qu’on était des pédales et qu’ils « pouvaient nous enculer ». Ils nous avaient donné rendez-vous dans le fin fond du 77 pour qu’on aille se battre avec eux. Bref ça s’est soldé en rien, je les ai croisés un jour, on s’est serré la paluche, y a pas eu de problème ! A l’époque ça ne m’avait pas plus inquiétée.
Nijmaa : Nous on ne s’encule pas mutuellement, les mecs qui voulaient nous enculer sont plus PD que moi finalement… Pour moi, ça va pas plus loin.
Willow : La première fois, l’histoire m’a fait rire. Mais la deuxième fois, y a un mec vraiment dangereux qui est arrivé, et là j’ai compris que la menace était réelle.
Dans la description de WDNxH, l’autre formation de dark wave que vous faites ensembles, vous écrivez que, pour le groupe, les valeurs queer sont « absolument constituantes ». Qu’est-ce que ça veut dire ?
Willow : En tant que meuf trans, pas le choix. C’est forcément ancré dans ma vie, dans mon quotidien, une chose à laquelle je pense quand je me lève, quand je sors : partout. “Constituant”, c’est-à-dire que c’est quelque chose avec lequel je suis obligée de vivre en permanence, une espèce de militantisme permanent. Je me fous à poil dans les textes, ça transparaît forcément dans la musique. Ensuite, j’ai aussi envie que les personnes queer puissent savoir que c’est un groupe qui apporte ça, et qu’on est un endroit safe !
Nijmaa : On a même eu un retour d’une fille à ce propos.
Willow : Ouais, elle était lesbienne, ne se sentait pas légitime dans le black metal et n’osait pas sortir son CD, et finalement elle l’a sorti. Ah, c’est tellement une histoire à l’américaine, ça fait plaisir (rires) ! Quand tu fais parti-e d’une minorité, c’est hyper important de pouvoir retrouver des lieux où on se sent bien. Dans le métal, c’est pas évident. C’est un milieu extrêmement viriliste, macho… C’est important que d’autres personnes queer puissent s’y retrouver.
On a eu des réactions étonnantes de personnes queer quand on leur présentait l’interview, qui nous demandaient ce que « queer » et « metal » avait à voir. Vous en pensez quoi ?
Willow : C’est une question qu’ont posé 100% de nos détracteurs. « C’est quoi du queer black metal ? » Mais en vrai, je veux pas dire, mais NSBM par exemple, une étiquette terriblement connue (“National Socialist Black Metal”, ndr), qu’est-ce que c’est ? Comment tu fais du black metal national socialiste ? C’est dans le texte, point final ! Regarde le « cascadian black metal » de Wolves in the Throne Room, il fait pas de la musique de cascade, ça n’a aucun sens ! (rires) C’est que dans le texte, donc. « Queer black metal », c’est la même chose. Certes, ça suscite plus d’interrogations parce que c’est plus sujet à polémique qu’une histoire de cascade dont tout le monde se fout, mais ça s’arrête là.
Pourtant, comme d’autres genres musicaux type grunge, le black metal a à voir avec l’expression d’un certain mal-être. Est-ce que quelqu’un-e qui se sentirait mal dans un état patriarcal ne serait pas légitime, dans le black ?
Willow : Totalement. Un jour, en 2013 à la radio, on m’a sorti cette phrase : « dans chaque black métalleux il y a un enfant qui pleure ». C’est ultra vrai. Tu peux y aller, ça se vérifie dans 100% des cas ! Mais au-delà de ça, le black metal, dans sa genèse, ça a toujours été quelque chose de très contestataire. Contestation précisément tournée contre ce qu’étaient les réactionnaires à l’époque : contre les vieux curés finalement, comme aujourd’hui. Le black metal voulait instaurer des idées neuves. Euronymous, le guitariste de Mayhem était communiste. Varg Vikernes de Burzum, lui, était anticapitaliste et tirait sur des Macdo à coup de fusil de chasse… En France, dans les années 2000, t’avais Diapsiquir qui a été, je pense, le seul groupe de black à vraiment instaurer un truc queer dans sa musique, avec une féminité forte… Bref, y a toujours eu une contestation des vieux réacs’, qui s’est finalement perdue dans les années 2010, quand Peste Noire a sorti L’Ordure à l’état pur. Et là, ça a été le début d’une vague qu’on a appelé le « black metal rural » qui prétendait « revaloriser nos belles campagnes françaises »…
La contestation est devenue réac’ donc ?
Willow : Ouais. Même si au début c’est parti, je pense, d’une idée qui pourrait être noble (même si, personnellement, je m’en fous complètement) c’est la défense du “paysage”, d’une vieille France non abîmée par l’urbain. Même Amesœurs en a fait un morceau, “les Ruches malades”. Donc pourquoi pas, mais finalement, c’est complètement parti en vrille ! C’est devenu la guerre à tout ce qui est plus ou moins moderne en terme d’idées. Ce qui fait que finalement, la grand-mère un peu réac’ que tu vas croiser en zone rurale va avoir la même opinion que 90% des black métalleux de la scène actuelle qui omettent complètement les bases. Ensuite, moi-même, en tant que personne queer, j’ai vachement de colère liée à la société… à beaucoup de choses, et c’est normal. Je trouve ça complètement dans l’esprit du black métal d’envoyer ces contestations là, tout en parlant de mon mal-être : c’est ce qu’ont fait 100% des black métalleux depuis la création du black métal… je comprends pas pourquoi on m’emmerde ! En fait, ils vont critiquer le fait que c’est soi-disant « politiquement correct » d’être « queer », parce qu’effectivement si tu regardes Konbini c’est ce qui ressort parfois. Mais, en attendant, il en demeure que c’est une opposition des idées nouvelles contre les idées de « l’an passé ».
ALBUM – Plus dure sera la chute (2020)
W : C’est un album concept qui tourne autour d’une entité nommée Élise, une espèce de démon avec lequel on s’est beaucoup entretenus pour composer l’album et avec qui on s’entretient toujours. Album très noir et très marqué par mes écoutes intensives de Kickback, un groupe de hardcore. Plus technique, beaucoup plus profond et plus libre. Étant donné que je n’ai aucune technique en guitare, j’ai très peu d’ouverture en terme de composition. Donc j’ai un peu tendance à tourner toujours sur les mêmes recettes. Et le fait que Nijmaa compose avec moi à 50 %, ça m’a ouvert un grand champ libre.
Vous avez des liens avec la culture queer techno ?
Willow : Non, pas du tout. J’en connais vaguement les noms principaux… Mais sans plus.
Parce que ça marche plutôt bien dans le milieu de la techno. C’est une scène particulièrement « inclusive », même comparée au rock. Pourquoi ça ne marche pas autant dans le métal ?
Willow : Ca marche quand même vachement dans le punk féministe. Mais aussi dans le grindcore ou encore dans la noise ! Cloud Rat, par exemple. Dans le punk hardcore, il y a beaucoup de groupes anti-fascistes aussi. En revanche, le black metal, lui, quand il est né, c’était déjà d’extrême droite. Il suffit d’évoquer l’un des premiers faits d’arme du genre : en 1997, le chanteur de Dissection a fait de la taule parce qu’il avait tué un gay. Donc, voilà, dans le black, on part de loin.
Vous connaissez d’autres groupes de queer black metal ?
Willow : Il y a Sphaera avec le youtubeur Vled Tapas, qui a un groupe de metal prog avec des revendications queer (ils nous ont beaucoup soutenus, d’ailleurs). A l’époque, il y avait Gorgoroth aussi ! Gaahl, l’ex-chanteur, est ouvertement homosexuel. Il a fait son coming out assez tôt, en 2007, mais il est toujours resté très secret là dessus. Mais depuis quelques années, il s’investit vachement ! Il a fait une playlist pour le mois des fiertés. Et puis, c’est bien le genre de type qu’on n’emmerde pas. Il a fait de la prison pour avoir séquestré un mec et l’avoir forcé à boire son propre sang. Il fait 2m10 et il a les yeux les plus froids que tu as jamais vu de ta vie. Je lui ai fait un câlin une fois ! Mais je me suis vite barrée en me rappelant de ce qu’il avait fait à ce pauvre type… (rires)
Et sinon dans la vie, vous faites quoi ? D’autres centres d’intérêt que la musique ?
Willow : Nijmaa en a au moins 8000 ! (rires)
Nijmaa : Grave ! Je suis passionné de modélisme, de bidouille informatique. Sinon dans la vie je donne des cours de musiques et des cours de chants prénataux. Être prof, ça m’habite vachement. Dès qu’il y a quelqu’un qui veut apprendre un instrument, je lui donne des cours, que ce soit pour un plat préparé, pour 10 balles, pour un verre, n’importe quoi ! Je veux qu’il apprenne la musique et qu’il ressente cette même puissance que je ressens moi quand j’en joue.
Willow : Moi, j’aime voir mes amis, voyager, je suis épicurienne, j’aime le bon vin… (rires). Non, j’ai tendance à me passionner pour beaucoup de choses mais de manière très éphémère. J’ai mes phases. Sinon, c’est la musique, le mix… et le groupe Magma (rires). Sinon, en dehors de la création musicale, j’ai été rédactrice en cheffe remplaçante du magazine Metallian. J’ai écrit des reportages pour des festivals par-ci par-là aussi. Et là je suis beatmakeuse de rap.
Vous autoproduisez vos albums. Vous avez appris tout seul à enregistrer ?
Willow : Oui. J’ai commencé à mixer seule, en m’améliorant au fur et à mesure. Sur Ballerine Sourde, tout a été fait au feeling ! Je ne sais même pas comment on est arrivé à ce résultat. Maintenant, je peux avoir un rendu professionnel, mais ça s’entendra encore plus sur le successeur de Plus dure sera la chute, « Les masques sont tombés« , qui sortira début 2021 !
Qui a réalisé la pochette de Plus dure sera la chute ?
Nijmaa : C’est Eskif, un de mes élèves de guitare. On lui a fait écouter en avance le quatrième album, il a grave vécu le truc. Un jour, il m’a montré des photos qu’il avait prises, dont celle-ci qui m’a sautée aux yeux. Et Willow l’a adoptée !
Willow : Oui, la photo illustre bien Plus dure sera la chute : la main du mec complètement cramée par l’ampoule, ça m’évoque le mythe d’Icare.
Nijmaa : Et puis une ampoule, c’est fragile. Sur la pochette de Ballerine sourde, si vous voulez savoir, on a fait ça assez vite, avec quelques effets et du maquillages pour dessiner le logo de la communauté trans. Et les gens se sont montés le bourrichon pour un truc qui nous a pris 10 minutes…
Willow : C’est la photo de nous deux qui fait le plus rager les black metalleux. Pourtant, on a conscience qu’elle est kitsch. On l’a fait exprès, ça nous faisait marrer, une sorte d’hommage aux groupes gothiques des années 80. Et ça a pris les proportions qu’on connaît…
ALBUM – ET DEMAIN ?
– Les masques sont tombés (à paraître en 2021)
Willow : Il a été composé sur une base très mathématique, avec beaucoup d’éléments à la King Crimson, dans un univers très perché, dissonant, technique, avec des phases acoustiques planantes. On a vraiment trouvé un univers dans cet album.
Nijmaa : Très inspiré par Hypno5e. Et là on est déjà en train de composer le sixième album. Pas le temps de s’ennuyer !
Willow : En août, on a sorti Parmi les bannis la confiance règne. A l’origine, ce devait être un album de jonction entre WDNxH et Worhs. Ça nous faisait rire de faire un featuring avec nous-mêmes (ils ont depuis laissé tombé l’idée pour ne le sortir qu’en tant que Worhs, ndr). Oui, car au delà de toutes ces choses badantes qu’on a évoquées, il y a énormément d’humour dans notre musique. Et ça, ça fait du bien !
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Article co-écrit par PEP, Sarah, et Alex Trauty.