Vous avez toujours rêvé de construire un vaisseau spatial, pour partir vivre sur la lune, y faire pousser des navets, en toute simplicité ? Cosmopaark est le groupe qu’il vous faut.
Un simple clic, une grosse claque. C’est un peu ce qu’on a vécu, quand on est tombé cet été sur leur premier EP Sunflower. Car on découvrait alors un magnifique shoegaze, autant abrasif, grunge et noisy, que pop, introspectif, et hyper émotif, qui se plaisait à se bercer dans une simplicité heureuse et touchante. C’est que, lorsqu’ils font de la musique, Clément (guitare), Baptiste (batterie) et Rémi (basse), tous trois membres du très bon collectif bordelais Flippin’ Freaks, n’essayent pas de se prendre pour quelqu’un d’autre. Sauter dans tous les sens pour montrer à quel point ils sont rock’n roll ? Bof. Se dandiner sur scène comme Pete Doherty ? Bof. Mais regarder ses pieds, se laisser bercer dans des murs de sons, s’écouter soi-même, cultiver son potager : oui.
On a enfin eu l’occasion de les interviewer avant leur concert au Supersonic à Paris en janvier (avant que le monde ne se mette sur pause). En fait, on désirait ardemment savoir s’ils préféraient la pluie ou le soleil… Alors au passage, on leur a aussi posé quelques questions supplémentaires (forcément moins qualitatives).
Première chose, c’est étonnant : vous tournez beaucoup ! Notamment à Paris… On dirait presque un groupe parisien, en fait.
Rémi : C’est ce qu’on était en train de se dire ! C’est la cinquième fois qu’on joue à Paris… en six mois.
Clément : On est venu à peu près une fois par mois !
On vous a manqué les deux dernières fois… D’abord, une fois, parce que vous avez été annoncé à un concert au Supersonic deux jours avant la date… On se disait « mais comment c’est possible qu’ils soient sur Paris comme par hasard deux jours avant le concert ?! ».
Clément : Oui pour le festival Bastille Sound ! Il y a eu une annulation, c’était de la dépanne.
Baptiste : Et on voulait vraiment jouer avec le groupe Just Mustard qui se produisait ce jour-là, alors voilà : on a fait un aller-retour depuis Bordeaux !
Ensuite, vous avez fait La Pointe Lafayette, en pleine grève des transports… Il y avait du monde malgré tout ?
Rémi : Oui ! En même temps, il y a vite du monde à la Pointe Lafayette. (rires) Il y a de la place pour quoi, 20-30 personnes ? Donc oui, la salle était comble. Et c’était assez cool, finalement.
Vous arrivez à « vivre » de votre musique, avec tous ces concerts ?
Clément : On fait pas du tout d’argent avec le groupe, pour l’instant.
Baptiste : On se rembourse, plutôt ! L’argent qu’on gagne, c’est pour payer les CD, les prochains enregistrements… Mais peut-être que ça viendra ?
Pourtant, vous êtes aussi passés au festival Lollapalooza.
Rémi : C’était une scène « kids » ! Mais pour le Lollapalooza, quand même. On a joué à 14h, il y avait pas grand monde.
Baptiste : Mais c’était une bonne expérience. Le fait d’y être est impressionnant !
Rémi : On avait notamment nos loges à côté de celles des Strokes…
Et la liste continue : vous avez fait la première partie de Ride, au festival Bordeaux Rock…
Clément : Oui ! C’était hyper bien. Notre meilleure date, je pense ? En plus, c’était la première fois qu’on jouait avec notre ingé-son, Math’, qui fait partie du collectif Flippin’ Freaks.

Vous avez un peu rencontré Ride ?
Rémi : Pas du tout. Ils nous ont fait un petit « pouce de balance », et ils sont rentrés à l’hôtel !
Baptiste : Ils ont l’air super sympa, mais c’est vrai qu’ils sont assez expéditifs.
C’est marrant parce que, l’année dernière à la même date, TH Da Freak faisait la première partie de Thurston Moore. A croire que chaque année dorénavant, à Bordeaux Rock, c’est légende du noise rock et un membre de Flippin’ Freaks en première partie !
Clément : Ah oui, on a le monopole… (rires)
Baptiste : En fait, c’est bien tombé pour nous, parce qu’on est un groupe de shoegaze, et il y en a pas énormément à Bordeaux. Aussi, on avait déjà joué à Bordeaux Rock l’année d’avant, et ils avaient adoré…
Du coup l’année prochaine, ça sera qui en première partie de Kevin Shields ?
Rémi : Ca sera SIZ en première partie de Ty Segall !
Clément : Ça serait un peu abusé, les gens commenceraient à se poser des questions ! (rires)
Un album préféré de Ride ?
Baptiste : Ride n’est pas notre plus grande influence, mais ça fait partie des groupes qu’on respecte énormément. Je pense que pour moi, c’est Nowhere.
Clément : Going Blank Again !
Rémi : Nowhere aussi. A part celui-là, je pense que j’aime pas trop finalement ! A vrai dire, j’ai pas trop aimé leur concert. Je m’attendais à un truc plus shoegaze. C’était très pop. Trop clean.
Par rapport à Ride, vous avez plus un côté frontalement noise ! Sur « Drive » et « Always », par exemple…
Rémi : Plus énervé aussi.
Baptiste : Moins lisse. C’est vrai que Ride a un côté un peu lisse, même si ça dépend des morceaux.
Clément : Moi je suis hyper fan de Sonic Youth. A la guitare, j’ai envie qu’il y ait ce côté noise. J’aime que les guitares ne soient pas super contrôlées, qu’il y ait des larsens qui partent tout seul.
Rémi : Chez Ride, le larsen est écrit sur la partition ! (rires)
Clément : Oui : « un larsen en « La » ! » (rires). Après la plus grosse différence, c’est que Ride a un côté très « plat », pas dans le mauvais sens du terme : simplement, ça reste vaguement planant, ça descend jamais très bas et ça monte jamais très haut, dans le volume et les nuances.
Baptiste : Oui, les nuances, c’est-à-dire des moments très calmes où tu vas à peine jouer, et des moments qui au contraire vont être très forts… Nous, c’est quelque chose qu’on aime beaucoup faire.
Et pour Sonic Youth, puisqu’on en parlait, un album préféré ?
Clément : Ça change tout le temps. Le dernier en date, c’était Rather Ripped, un des derniers. Peut-être le plus pop de leur disco.
Sinon, vous faites quoi dans la vie ?
Baptiste : On donne tous des cours de musique. Rémi garde un enfant, aussi ! On essaye de rester dans le milieu musical. Donner des cours nous permet d’avoir du temps pour faire de la musique à côté.
Clément : Et ça nous plaît !
Vous avez quoi comme formation ?
Baptiste : On a tous les trois fait des études de musique. Avec Clément on s’est rencontré à Nancy, puis on est allé à Bordeaux. Rémi a fait son école à Bordeaux.
Et à quel moment dans votre vie vous vous êtes dit : « Ça y est. Je veux faire du shoegaze » ?
Baptiste : Je me suis pas trop posé la question ! C’est Clément, ça lui a pris. On avait un autre groupe ensemble, typé 90’s aussi, puis un jour les compos sont devenues shoegaze et on s’est dit « ah c’est trop cool, on veut faire ça ».
Clément : Je pense qu’on cherche tous les trois à faire une musique « honnête », « vraie », qui te correspond, où tu ne mens pas sur scène. Pas comme lorsque tu racontes quelque chose qui ne te ressemble pas, lorsque tu es en train de faire du gros rock alors que t’es pas du tout un showman. Le shoegaze, j’en ai toujours un peu écouté, et quand j’en fais, je me sens honnête. Si j’ai envie de ne pas bouger sur scène, je ne bouge pas, tu vois ? Si j’ai envie de faire une musique méga dépressive, je peux la faire. Et si j’en envie de faire un truc hyper bourrin, je peux le faire aussi. Vraiment, je ressens tous les aspects de ma personnalité là-dedans.
Le shoegaze, c’est triste. Vous êtes tristes, donc ?
Clément : On n’est pas non plus des gros dépressifs (rires).
Rémi : Non, en effet. Après, jouer ou écouter du shoegaze, c’est aussi un moment privilégié où tu peux ressentir ce genre de choses.
Je repense à une interview de Tapeworms dans laquelle le groupe disait qu’il en avait marre du shoegaze trop triste, qu’ils essayaient de faire quelque chose de joyeux. Vous en pensez quoi ?
Clément : Je l’avais lue aussi ! C’est cool, s’ils sont heureux dans leur vie, je leur souhaite que d’être heureux ! (rires) Le shoegaze, c’est une démarche honnête. S’ils ressentent l’envie de faire quelque chose qui a du peps, alors de ouf ! C’est honnête, c’est hyper cool.
Baptiste : Après nos morceaux ne sont pas toujours tristes non plus. « Mr. BigYellowSun » est plein d’espoir, par exemple.
Rémi : Cosmopaark, c’est pas de la « musique suicide ».
Clément : On est plutôt genre « on est triste, mais ça va aller ! », on peut monter dans un vaisseau spatial direction l’espace pour faire pousser des tournesols sur la lune, et gavé cool ! (rires) (comme dans le clip du morceau, ndlr)
C’est trouver la beauté dans la simplicité ?
Baptiste : Ouais voilà, dans Cosmopaark c’est aussi assez simple ce qu’on fait, on cherche pas à faire des trucs hyper compliqués.
Si vous faisiez, sur vos vieilles années, votre petit potager chez vous pour cultiver des tournesols, vous seriez heureux, comblés ?
Clément : C’est déjà fait ! Baptiste a déjà son potager !
Baptiste : Oui, j’ai fait des courgettes, des tomates, des potirons, des butternuts, j’ai tenté les oignons (c’était pas terrible, ils étaient petits). Et j’en suis très heureux ! (rires)
Clément : J’aime vraiment l’image de fin du clip, où tu as juste l’astronaute qui est assis sur son banc et qui regarde les tournesols. Il a voulu faire ça, il y est, et juste il kiffe son truc quoi.
Une question que nous nous posons tous : êtes-vous plutôt « pluie » ou « soleil » ?
Rémi : Moi… j’aime pas le soleil. Mais j’aime pas la pluie non plus (rires). En vrai, je crois que je préfère la pluie mais uniquement quand je suis chez moi. Le bruit et l’ambiance de la pluie, c’est tellement cool.
Clément : Je tiens à préciser que Rémi est la personne que je connais qui aime le moins être sous la pluie ! (rires)
Baptiste : Pareil, mais si je suis dehors, je préfère le soleil !
Clément : Moi je kiffe le soleil.
Baptiste : Si on devait trancher, je dirais qu’on est quand même plus « soleil » ! (rires)
C’était une question piège. Parce qu’il y a beaucoup de références au soleil, dans votre musique !
Baptiste : C’est vrai, notre EP s’appelle Sunflower.
Pourquoi Sunflower, d’ailleurs ?
Clément : C’est les tournesols ! A la base, on avait un fond bleu sur notre cover, on y a mis du jaune parce que ça allait bien ensemble, puis on a pensé aux tournesols. Et puis, ça nous correspond bien, cette fleur qui se tourne à la recherche du soleil.
Baptiste : Qui penche la tête vers le sol, qui est triste quand il n’y a pas de soleil. On aimait bien le concept, alors on l’a poussé jusqu’au bout. Maintenant, les potes nous disent que quand ils voient de l’huile de tournesol au supermarché ils pensent à nous, c’est sympa (rires).
Clément : SIZ nous envoie des photos d’huile de tournesol ! « à mettre dans votre merch’ les gars » (rires).
Vous êtes plutôt Sardaigne l’été ou Montréal l’hiver ?
Rémi : Je dirais Montréal l’hiver.
Clément : Pareil, je kifferais Montréal l’hiver !
Baptiste : Moi je suis pas trop fan de l’hiver… Je dirais la montagne l’été !
Clément : De ouf, moi aussi. Après, j’aimerais vraiment voir les -30° de Montréal. Et puis la scène musicale au Canada est vachement intéressante. Les groupes Solids ou Pup, par exemple.
« Cosmopaark », on dirait le nom d’un « crew » de skate… ça vient d’où ?
Clément : On ne fait pas de skate ! Le « paark » vient du film Paranoid Park de Gus Van Sant. Ca parle d’un ado skateur, aux Etats-unis, qui va dans un skatepark qui est un peu « interdit », parce qu’il n’y a que des gens louches qui y trainent. Il décide d’y aller tout seul une nuit, il y rencontre du monde, mais, sans faire exprès, il cause un drame. Le film tourne autour de sa culpabilité.
Sinon, vous avez d’autres groupes ? Rémi, tu joues dans SIZ il me semble ?
Rémi : Ouais ! Et dans Sustain Céleste, où je fais de la batterie depuis récemment. C’est très bizarre comme musique, mais c’est très beau.
Clément : Moi je joue aussi dans Wet Dye Dream, du Flippin’ Freaks, depuis un an.
Baptiste : Et moi dans Smogs & Tacos, du rock alternatif avec du violoncelle.
Comment vous vous êtes retrouvés dans Flippin’ Freaks ?
Clément : Au début de Cosmopaark en 2018, on n’avait pas de bassiste. On connaissait Flippin’ Freaks de réputation. C’était le collectif qui collait le mieux à notre esthétique, donc on leur avait demandé s’ils connaissaient pas un bassiste. Ils en avaient pas sous la main, mais c’est comme ça qu’on est entré plus en contact. J’ai commencé à jouer dans Wet Dye Dream. Entre temps, Rémi a intégré SIZ, et un jour j’ai redemandé pour un bassiste, et Sylvain m’a répondu « Ouais, j’ai un bassiste dans mon groupe il est ‘’géniaal’’ (j’essaye d’imiter l’accent de SIZ.) ».
Du style « c’est le meilleur bassiste du monde » ?
Baptiste : Pas loin ! Après Jaco Pastorius et Marcus Miller, t’as Rémi. (rires) Il a le swing en lui.
Rémi : Je suis loin devant Marcus Miller !
Vous avez déjà collaboré sur « 1 EP par jour » ?
Clément : J’ai sorti un EP tout seul sous le blase de Clément Pélo !
Baptiste : On a publié un EP avec notre ancien groupe de post-rock avec Clément.
C’est quoi vos projets pour la suite ?
Rémi : Hum, gagner beaucoup d’argent…
Baptiste : C’est le projet de beaucoup de gens, je crois ! (rires) Là on est en train de préparer un nouvel album. On fait des compos. Ça devrait sortir en 2021, si tout va bien. En attendant, on veut continuer de faire un maximum de concerts. On a quelques dates en mars, à Reims, à Limoges, à Rouen, Angers, Rennes, Nantes… (Petite pensée pour ces dates probablement annulées, ndlr)

Une question que je me suis toujours posée avec Flippin’ Freaks : comme vous jouez un peu tous dans le groupe des autres, c’est pas compliqué de croiser les emplois du temps et de trouver des disponibilités ?
Rémi : Au final, non ! SIZ est aussi dans TH Da Freak, donc quand il tourne avec TH, nous on tourne avec Cosmopaark. Quand on tourne pas avec Cosmopaark, je tourne avec SIZ, et Clément avec Wet Dye Dream.
Clément : Quand un projet tourne, ça bloque d’autres projets, ça en libère d’autres, etc. Une fois aussi, on a tous joué ensemble à Bayonne pour une soirée Flippin’ Freaks.
Rémi : Il n’y a eu aucun problème pour l’instant.
Vous pouvez me citer trois « petits » groupes de shoegaze que vous aimez ?
Baptiste : Just Mustard, déjà ! Ensuite Tapeworms, et puis…
Rémi : Cosmopaark !
Clément : Il y a aussi Soon She Said de Rennes, et Good Morning TV – je crois que ça existe plus – avec des membres de Brace ! Brace ! dedans. Ils ont fait une track qui sonne vachement comme Melody’s Echo Chamber.
Et pour votre nouvel album, vous avez prévu une orientation différente ?
Rémi : Moins « soleil » quand même.
Clément : Oui c’est un peu plus dark pour l’instant. (rires)
Rémi : C’est peut-être un peu plus « pluie » ! Une énorme averse, même.
Clément : Mais on va peut-être apporter le soleil ensuite ! Globalement c’est aussi plus calme. Bien calme et dépressif, en fait (rires).
Rémi : Plus intense, plus puissant…
Baptiste : Les compos en mode soleil vont arriver ! Là, ça y est, on a quitté le mode « pluie ». Parce qu’après tout, sans soleil, les tournesols ne peuvent plus pousser !
