« On ne sait plus vraiment quoi faire pour se faire connaître ! ». Hé oui ! En même temps, avec un nom pareil, on s’attend pas trop à un groupe de pop capable de concurrencer Beyoncé. Voire même, plus proche de nous, God Is An Astronaut, ou autres groupes aux noms trow stylayz’. Mais bon. Quelle personne sensée voudrait leur ressembler, en réalité ? Fuck : voici l’histoire des Moutons Tondus.
Premier contact avec le groupe : à une de ces soirées désertiques que l’on ne connaît que trop bien au Quartier Général d’Oberkampf. Je jouais ce soir avec mon groupe Do Lung. Sur l’événement, en guise de première partie, apparaît « Sullivan Coredo (Chanson à texte) ». Mince. Pitié pas de variété française avec notre groupe ! Hé bien non, détrompe toi… Cordes cassées, postillons dans le micro, Sullivan s’est lancé dans un set qui aura été probablement le plus punk de Paris ce soir en martelant seul sur scène sa télécaster et en criant comme un dératé dans la nuit.
Par la suite, en nous renseignant sur les internets, on tombe sur ce titre, « Le renard », des Moutons tondus.
On est alors directement captivé par le beat de batterie, le gros riff de basse jazzy, ce solo déchirant, et surtout par l’atmosphère mystérieuse du morceau ; entre une fable psychédélique et une dystopie vertigineuse. Une musique DIY, expérimentale et conceptuelle, non loin finalement d’une sorte de performance artistique.
Les Moutons ont été tondus pour la première fois à Paris en 2013, par Sullivan Coredo et Mathilde Nègre. On s’étonnera pas de découvrir que les deux musiciens font eux-mêmes de l’art ! Entre autre, ils réalisent tous les deux des court-métrages, là encore assez surréalistes (ceux de Mathilde, ceux de Sullivan). En 2016, ils sortent leur premier album, Va chercher !, le plus « classic rock » de leur discographie, avant de se tourner de manière plus décisive vers l’électro avec leur deuxième album Même, en 2017 – où se dévoile notamment ce bon morceau coldwave.
Et toujours pas résigné à faire de la pop abordable pour la compréhension du grand nombre – ils nous avaient prévenu avec leur titre « Ceci n’est pas un tube » – les Moutons ont au contraire décidé de « régresser » encore plus en publiant leur troisième album Régression en mai 2019 – encore plus électronique et barré que ses prédécesseurs.
Plutôt que de pondre un énième album générique de garage pop comme il est en vogue dans la capitale, Les moutons tondus ont le mérite d’offrir une musique qui sort des cadres, très radicale, DIY et hyper-créative, souvent agrémentée d’un coté politique – non véritablement engagé (trop facile), mais subtilement suggéré. On soupçonne un peu de féminisme par-ci (« Ô mon chéri plus vieux« ), d’anarcho-socialisme par-là (« Paris 2024« , « Tant de douceur« ) … En fait, rien que le nom, « Les moutons tondus », nous rappelle le « Canard Enchaîné »… Coïncidence ?
Ils sont arty, politiques, hors normes … comme un bon groupe de post-punk ou une œuvre dadaïste, au choix ! Ainsi, nous pourrions dire avec Walter Benjamin, historien d’art, comme il le soutenait alors : « Les moutons tondus sont un missile projeté sur le spectateur« .