C’est à l’occasion d’une soirée comme les autres au Supersonic que je découvre pour la première fois edgar déception… sur un simple flyer. Une voix sur-enthousiaste surgit de derrière moi : « Salut, on fait la première partie des Bad Pelicans au Point Ephémère, venez ça va être trop cool ! ». Je lance un : « Ah sympa, vous jouez quel style ? » quand Eva, la guitariste du groupe, me répond à la volée : « du punk fragile »… Le coup de foudre pour le futur Fort et Viril, qui était alors encore à l’état embryonnaire.
Ironie du sort, le destin voulait que je fasse, un soir de décembre, plus ample connaissance avec le trio pourtant habitué des soirées souterraines et du réseau DIY de la capitale, dans un énième club, qui a gagné à nos yeux le titre de bar rock le plus lounge de Paris (à moins que ce ne soit l’inverse ?), j’ai nommé le Black Star.
C’est dans cet espace, en apparence peu propice au rock’n’roll, entre canapés en cuir, carrelage intégral et plafond à facette, que le groupe illumina la soirée d’un set foutraque, mais porté par des mélodies imparables et un sens du fun contagieux. Ce soir-là, le groupe présente quelques extraits de son désormais classique E.P. de 2017 « EDGAR RECEPTION », où apparait un vrai talent pour l’écriture punk mais toujours pop, les titres de morceaux improbables et à rallonge, et l’invention de noms de sous-genre rigolos, se faisant, selon les occasions, les représentants du « punk fragile » ou de la « musique d’ascenseur émotionnel ».
Aujourd’hui, le groupe revient avec leur nouvel et premier album décès…, enregistré et produit en quelques jours dans une maison du Val d’Oise, et paru sur certains des plus fameux labels de la scène rock parisienne (Buddy Records, Hellzapoppin Records, Et mon cul c’est du tofu ?, Off Noise).
Et c’est à un opéra rock des plus conceptuels que nous avons affaire, retraçant les pérégrinations d’Edgar, légendaire poisson rouge du groupe. D’abord, « Edgar part en voyage d’affaire ». Le morceau introduit l’album tout en douceur, la guitare acoustique venant progressivement se mêler à différentes couches synthétiques avant de terminer dans un joyeux bordel. Le trip continue à bord d’un « big fat train » surpuissant et blindé de reverb. Sécurité assurée grâce « à chérence tout risque », véritable réflexion sur les shots d’eau fraîche et les dangers de la ride à bicyclette. Featuring improbable : on y entend les cris désespérés de SIZ du collectif Flippin’ Freaks, comme laissé pour compte sur le bas-côté de la route. Dans un registre plus heavy, se distinguent le morceau à tiroir « top 10 best friends », dont le final surfy rappelle le meilleur de Together Pangea et du Ty Segall Band, et le très garage-punk « Edgar la bagarre », déterminé à passer la 5e. Après moult péripéties, pause détente avec « wow dude you got nintendogs?? » qui ravira les habitués de simulation canine, les nostalgiques de la Nintendo DS, comme les amateurs d’omnichord, de belles mélodies et de son mono lo-fi. Quand vient le terminus, la nouvelle est terrible : « edgar ne reviendra jamais ». Un morceau qui clôt l’affaire en beauté, depuis son drone méditatif et sa boîte à rythme, qui rappellera aux plus anciens le « Is This It » des Strokes, jusqu’aux dernière notes de guitare acoustique, renvoyant directement à l’introduction de l’album, comme une invitation à mettre la galette en rotation cyclique.
Car, on peut vous le dire, avec ce voyage punk-pop turbulent qui conjugue le spleen lo-fi et bricoleur de Neutral Milk Hotel aux guitares emo d’American Football et de Current Joys, décès… semble bien promettre Edgar à l’immortalité.
Release party le 22 juin au Pop-Up du Label (Paris)
Co-écrit avec Pier-Paolo Gault