Si le hardcore nous abreuve de plus en plus de sons léchés, aseptisés, et un univers récupéré par une culture mainstream qui ne revendique plus rien du tout (si ce n’est l’expiation de sa propre bêtise ?), c’est sans compter Minimal Violence – rien que le nom évoque déjà Minor Threat. Avec leur tout premier album, le bien nommé InDreams, sorti ce vendredi 26 avril, les deux jeunes productrices canadiennes (on aime bien ce pays par ici !) restent fidèles aux fondamentaux avec leur techno brutale aussi misanthrope que porteuse de rêves.

On s’en rend très vite compte. Le ton est donné avec l’intro « Untitled Dream Sequence » qui nous verse des sons de synthés à la fois très sharp et en même temps très célestes, construite comme une montée en puissance qui va jusqu’à frôler le débordement et flirter avec le bruit. Le kick est lâché avec le deuxième morceau, « L.A.P ». Mais attention, danger ! Les synthés en question évoquent bien le hardcore, mais aussi… le hardstyle-match-de-foot, gloss et coup de soleil. Tendance qui semble se confirmer avec « June Anthem », dont le nom évoque un hymne national qui pourrait être joué en ouverture de match ? Dieu merci : non. L’ambiance est définitivement plus sombre. Et à vue de nez, on est dans les 140 bpm. Plus lent que du hardcore. En fait, il s’agit plutôt de « darkcore ». Sur fond de beat plus que puissants, robotiques et absurdes, qui font la marque du genre, les synthés sont déformés, malmenés, et finalement très fantomatiques. Au contraire, « June Anthem », c’est l’anti-hymne national. La déconstruction des références, l’inversion et le renversement du hardcore grandiloquent et footeux… Hey, ça serait pas le motif de « l’inverted cross » quand même ? Minimal Violence : le black metal de la techno hardcore ?! Pourquoi pas. Avec InDreams, on a plus l’impression d’être au fond d’une caverne qu’autre chose, et putain, ça serait quelque chose de l’écouter dans une vieille église. Aux côtés d’un certain Jessica93 (en passage à Montréal) par exemple ?

Car le genre n’est pas si éloigné non plus. « New Hard Catch » balance des rythmes proches du big beat et tout simplement assez rock. Et sur l’ensemble de l’album, l’influence de la coldwave saute aux yeux. Sans parler du très gothique « Persuasive Behaviour », le point d’orgue de l’album est définitivement atteint avec le divin « InDreams », la track éponyme. Un riff de synthé caverneux et céleste nous propulse dans un vieux film d’horreur et dans une ambiance meurtrière, le kick bien hardcore nous martèle lourdement les oreilles, avec un motif groovy de basse pour canaliser de l’énergie, le hi-hat qui en rajoute une couche, suivi de percus tribales et de sonorités carrément indus et EBM… tout est parfait. Les planètes sont alignées pour une formidable catharsis, le tout à partir d’une violence minimale dans laquelle ne transparaît aucune once d’arrogance et de beauferie trop proches d’Ibiza pour pouvoir prétendre à une révolte valable. Mention spéciale au remix de ce titre par l’Espagnol Cardopusher dispo en bonus, avec une boîte à rythme définitivement plus coldwave. On continue l’expiation dans une vibe plus infectieuse dans « Virus Prophecy » et « D.TRX », et l’on s’éteint dans un dernier accès de brutalité avec « Last One at the Rave ». Un excellent premier album pour Minimal Violence. Surveillez vos agendas.

InDreams (Technicolour/Pias) sorti le 26 avril 2019