En mars 2018, Hangman’s chair, groupe de sludge métal originaire de Villeneuve Saint-Georges en banlieue parisienne, revient avec son album Banlieue Triste, publié sur le label Music Fear Satan. Ce disque froid, angoissant, mais tellement saisissant et libérateur, nous transporte dans les tréfonds du désespoir banlieusard, en accord avec l’origine underground du métal.

Des sons lourds et déchirés ; une nappe sonore fantomatique, glaciale. Dès le début de l’album, nous sommes projetés dans un lieu froid, cruel, aux atours apocalyptiques. Chacun des sons se répercute en stéréo dans nos oreilles. Dans cette oscillation incessante, presque psychédélique, nous perdons tout repère. Et pourtant, tout devient clair. Car ce crescendo d’accords naissants sonne comme l’écho d’une rancœur depuis trop longtemps enfouie, sur le point d’imploser. Tout s’accélère ; notre cœur s’emballe – quand surgissent les lourds powerchords de « Naïve », dans une gigantesque explosion de distorsion. Alors, cassée, brisée, comme un cri de détresse, la voix émerge enfin ; elle s’éveille après un trop long moment de naïveté. Dorénavant conscients, nous ressentons la violence d’un monde laissé pour compte : celui de la banlieue parisienne – celui de Banlieue Triste.

Métal du periph’

Ici, pas de métal saturé de blast beats et de solo démentiels qui parle d’on ne sait quel héros nordique – finalement assez loin de la réalité concrète de la vie. C’est un métal urbain, de la rue, qui traite de la galère et de l’ennui, de la misère d’une vie en banlieue, dans l’ombre de Paris, encerclés d’HLM, en proie permanente à un sentiment de solitude. Et si leur album This Is Not Supposed To Be Positive nous avait déjà prévenu en 2015, Hangman’s Chair s’enfonce encore plus dans les méandres de la négativité et du pessimisme.

Sludge, grunge, coldwave et même shoegaze …

A peine quitté l’autodestruction finale de « Naïve », nous sommes submergés par les puissants accords de « Sleep Juice ». Ce morceau nous le prouve : Hangman’s Chair met de côté un certain groove, pour se concentrer sur un son qui chute, un son tonitruant, qui s’abat comme un assourdissant coup de tonnerre. Ce qui fait l’identité de cet album, c’est précisément cette alliance contrastée entre ces sons lourds et saturés qui nous écrasent, d’origine stoner, et les nappes cristallines qui donnent un aspect particulièrement cold à l’album. On alterne ainsi entre des morceaux atmosphériques comme « Tara », et des morceaux destructeurs comme
« 04.09.16 ». Le résultat final : un subtil croisement entre sludge métal et coldwave, poussant même parfois jusqu’à la shoegaze, comme dans « Negative Male Child », berceuse mélancolique.

Hangman’s Chair livre un album novateur, au confluent du métal et du rock. Du métal, on garde la violence, et un aspect proprement immersif ; mais qui ne cherche pas à nous sublimer, à nous travestir en un Odin, ou à nous bercer dans d’agréables fantasmes illusoires – ce qu’on peut appeler, dans un autre genre, de l’égotrip. Au contraire, on est plongés dans la violence elle-même, la plus proche de la réalité ; dans la crasse de la banlieue, dans l’oppression d’une personne désespérée. Banlieue Triste, en accord parfait avec les origines contre-culturelles du métal, n’est plus qu’un immense défouloir, un excellent exutoire qui donne la force d’affronter la violence du monde, et, par un pouvoir cathartique paradoxal, parvient à émanciper de la tristesse.

En concert le 14 décembre 2018 aux Cuizines de Chelles en banlieue parisienne, aux côtés de Jessica93 et de Revok, à l’occasion de la soirée de Music Fear Satan. On a déjà pris nos places.

Banlieue Triste, Hangman’s Chair, paru le 9 mars chez Music Fear Satan.