Le groupe hollandais Lewsberg était de passage dans le petit bar La Pointe Lafayette, à Paris, pour défendre son album éponyme, sorti en avril 2018, mélange de post-punk légèrement noise et de scansions poétiques.
Des riffs entêtants et hypnotiques, un jeu brillant, clair et propre, et des charlestons bien serrées ; mais les envolées psychédéliques quasi-bruitistes ne sont jamais bien loin.
Lorsque Lewsberg commence à jouer à La Pointe Lafayette, ce soir du 27 octobre, on est particulièrement marqué par le charisme du chanteur. Grand et fin, calme mais déterminé, et, avouons-le, l’air quelque peu intello, il dénote par rapport aux groupes plus punks qui l’ont précédé sur la scène. On s’y méprendrait presque avec un David Byrne des Talking Heads sur la scène du CBGB à New York. A travers ses lunettes, il lance un regard impassible par-dessus la foule. Son esprit semble ailleurs, comme littéralement happé, habité par les histoires qu’il nous raconte par d’imprévisibles scansions très rythmées, façon slam – comme dans le morceau The Smile. Des ballades urbaines qui nous plongent dans le Rotterdam des années 80.
Sur scène, chaque musicien a sa propre identité et apporte sa plus-value. Le batteur tient son rythme rigoureusement, le guitariste inonde la scène d’effets sonores et de larsens ; et la bassiste, très présente et assez déjantée, ajoute une touche de brutalité immanquablement plus punk à l’ensemble. Avec des solos de guitare parfois mélodieux et agréables, parfois difficiles et laborieux, des structures originales, et des fins surprenantes, comme celle d’Edith, Lewsberg déconstruit notre intuition spontanée de la musique, avec un résultat arty, proche de l’oeuvre d’art. Il s’agit bien de post punk authentique, qui rappelle celui des Minutemen, mais aussi moderne, qui n’hésite pas à s’allier avec un univers noise et garage, comme le démontre l’outro déchirante de Chances.
Un concert très réussi, donc, vivant, et particulièrement original. Par la diversité et la richesse de ses membres et de ses inspirations, Lewsberg réalise magistralement le tour de force de fondre ces contradictions en harmonie, et de nous faire ressentir que, par-delà la stricte organisation de la vie urbaine, la folie fait toujours corps avec l’ordre.
Lewsberg, publié le 13 avril 2018, produit par Jan Schenk, Mikey Young et Lewsberg.